Le Monde , 3 mai 2019
Le chinois est aujourd’hui enseigné partout en France. Trois questions à Joël Bellassen, qui fut le premier inspecteur général de chinois de l’Education nationale.
Par Maroussia Dubreuil Publié le 03 mai 2019 à 14h36 – Mis à jour le 03 mai 2019 à 15h17
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Des élèves d’une classe de terminale, au lycée Malherbe de Caen, en cours de chinois, en 2005. MYCHELE DANIAU / AFP
Le pourcentage des élèves inscrits en chinois en France reste encore faible (0,8 %), mais la croissance est fulgurante. Selon les chiffres du ministère de l’éducation nationale, ils sont passés dans le secondaire de 20 003 inscrits en 2008, à 44 694 en 2018, majoritairement en LV2. Sa diffusion dans l’Hexagone remonte au XVIIe siècle, quand six pères jésuites furent envoyés par Louis XIV au royaume de Siam.
« Après l’anglais, l’espagnol, l’allemand et l’italien, c’est la 5e langue la plus étudiée, indique Françoise Audry-Iljic, inspectrice générale de l’éducation nationale chargée du chinois. Cela s’explique notamment par le fait que le chinois s’est enraciné dans le système scolaire. Il est enseigné partout en France. »« Une section d’excellence, la SIC – section internationale chinois : 9 heures de cours par semaine – pour laquelle la Chine populaire, à travers le Hanban [Bureau national pour l’enseignement du chinois langue étrangère], investit des moyens colossaux », explique Ludovic Anne, le principal du lycée Janson-de-Sailly, dans le 16e.
Joël Bellassen fut le premier inspecteur général de chinois de l’éducation nationale, de 2006 à 2016, qui a popularisé l’apprentissage de la langue. Il revient sur l’expansion du mandarin en France.
Vous avez commencé à étudier le chinois en 1970, quand le pays était totalement fermé. Vous ne deviez pas être nombreux en cours ?
Nous étions sept étudiants, au Centre universitaire de Vincennes. Quand mes parents ont su que je prenais cette spécialité, ils se sont inquiétés. « Qu’est-ce que tu vas faire ? »Et moi, de répondre : « Rien. »A cette époque, avec la catastrophe de la Révolution culturelle, la valeur d’insertion professionnelle était proche de zéro. Mais c’est parce que le chinois est une langue distante que j’ai voulu m’en rapprocher.
Aujourd’hui encore, il ne faut surtout pas sous-estimer l’attrait des jeunes pour cet inconnu. C’est exactement la même motivation que lorsque Jean-Pierre Abel-Rémusat, au début du XIXe siècle, est tombé nez à nez avec un herbier chinois dans le bureau d’un jésuite. Il a eu un choc parce qu’il ne comprenait rien. Il avait 18 ans, et il a dit : « Un jour, je comprendrai ce qu’il y a écrit. » Il est devenu le premier professeur de chinois au monde.
Dans les années 2000, alors que vous étiez chargé de mission, quels étaient vos rapports avec les chefs d’établissement et les recteurs ?
Certains recteurs pensaient que l’apprentissage du chinois était une mode passagère. « Vous savez, on a connu le russe dans les années 1960… », me disaient-ils. Ou bien : « C’est bon pour les bobos du 5e, à Paris ! » Ça,je n’ai pas laissé passer, c’était totalement stéréotypé. Il n’y avait pas de cours de chinois dans le 5e mais à Pontivy, dans la Bretagne profonde. Certains chefs d’établissement voyaient beaucoup plus loin.
Le proviseur du lycée La Fontaine, à Paris [16e], avait décidé de créer des classes bilangues avec trois coups d’avance : langue proche et langue distante (japonais, vietnamien et chinois). Je me souviens aussi du principal d’un collège de Bastia, corse de chez corse, qui me dit : « Ne vous fâchez pas, mon projet, ce n’est pas tellement pour le chinois… Mais je veux que mon île ouvre le regard sur le monde. » Ça m’allait très bien.
Pensez-vous que l’apprentissage du chinois est destiné aux bons élèves ?
Non. En 2006, Azouz Begag, alors ministre de l’égalité des chances, a fait un discours sur le développement de l’enseignement du chinois. Sans doute pensait-il, à raison, que l’apprentissage de cette langue remettait les compteurs à zéro pour tous les élèves. Et je travaille aujourd’hui sur une fête des caractères chinois. Avec calligraphie de trottoir et caractères sur la tour Eiffel.
Maroussia Dubreuil